Pongo de Mainique, les portes de l’Amazonie
Après la sortie Espiritu Pampa dans la région de Vilcabamba, nous avons continué notre découverte hors des sentiers battus de la région de Cusco.
En revenant à la ville de Kiteni, nous prenons la direction de Ivochote, un village portuaire situé à deux heures sur une route assez sinueuse. Nous arrivons dans la soirée et dormons à Ivochote. Le lendemain, après un petit déjeuner typique de la gastronomie de l’Amazonie, nous prenons une “lancha”, un bateau en collectif pour nous diriger vers notre campement au Yo yato, chez Carlos, proche du Pongo de Mainique.
Le trajet dure environ 1 heure et demi et nous découvrons avec émerveillement la beauté des paysages et la végétation luxuriante de part de d’autre, sur les rives du fleuve alto Urubamba. Le climat est tropical et on ressent déjà l’humidité. Des formations rocheuses, des arbres avec des racines énormes apparaissent sur les rives. En août, le fleuve est relativement bas, ce qui permet d’apercevoir les plages de galets et laisse dépasser de grosses roches que le capitaine de la lancha évite soigneusement. Naviguer sur le fleuve requiert de l’expérience et malheureusement, durant la saison des pluies certains accidents se produisent.
Le Pongo de Mainique est un immense canyon formé par la rupture entre la cordillère de Vilcabamba; d’où découle le fleuve Urubamba et le début de l’Amazonie. Entendu sur 3,6 kilomètres, c’est un sublime spectacle de cascades et de formations rocheuses qui s’offrent à vous, à découvrir à pied en passant par le mirador ou en bateau. Le nom de Mainique vient de l’animal “maini” en langue machigenge (langue des communautés natives habitants sur le fleuve, dans l’Amazonie péruvienne), l’ours andin ou à lunettes qui vit dans la zone. Le Pongo de Mainique est également surnommé les “portes de l’Amazonie”, et effectivement c’est un véritable nouveau monde qui s’ouvre à vous !
Une fois arrivés au campement, nous sommes accueillis par Carlos et sa sœur qui s’occupent de la gestion de la maison familiale et de l’ensemble de la propriété. Des carbets et structures en bois nous permettent d’installer nos tentes et de profiter du lieu.
Campement proche du fleuve Yo yato, chez Carlos
Le Pongo de Mainique s’inscrit dans l’ensemble du Parc de Megantoni, c’est une réserve naturelle protégée par l’Etat péruvien, avec une zone appelée le “sanctuaire du parc du Megantoni” qui est strictement protégée (aucune construction ou modification n’est permise), et sa zone d’amortissement. Dans cette zone, protégée également, il est tout de même permis de faire des constructions ou aménagements ; dans le but d’améliorer la vie des locaux, l’accessibilité pour des projets de développement locaux et de tourisme. Le but est de promouvoir l’écotourisme, la récupération et la sauvegarde de la faune et de la flore, la cartographie des aires de conservation privées, la recherche, l’inversion des habitats et le développement des systèmes agro-forestiers.
Le parc du Megantoni a une superficie de 215 870 hectares avec des variations d’altitude allant de 500 à 4000 m d’altitude, ce qui crée une pluralité de climats générant une grande diversité de biodiversité. En plus de sa richesse naturelle, le parc de Megantoni abrite également cinq communautés natives : Timpia, Sababantiari, Poyentimari, Matoriato, Yoquiri et une quarantaine de villages, dont une des villes principales est Saniriato.
L’objectif de la création de ce sanctuaire national de Megantoni est la protection de cet environnement, aussi bien son patrimoine culturel que naturel et dans un spectre plus large de protéger le couloir entre le parc national de Manu et le complexe de aires naturelles protégées de Vilcabamba. L’organisme indissociable de la protection de Parc de Megantoni est la SERNANP (Servicio Nacional de Áreas Naturales Protegidas, en espagnol) soit le service national des zones naturelles protégées, sous la direction du Ministère de l’Environnement, en charge principalement de la sauvegarde de la biodiversité, surveillance du parc ainsi que d’effectuer de nouveau projets pour le développement et la connaissance du lieu.
Sur la carte ci-dessous le partie du sanctuaire est en orange/couleur pastel et la zone d’amortissement en gris.
Carte officielle du gouvernement du parc de Megantoni
(avec le sanctuaire national du Megantoni et sa zone d’amortissement)
Dans l’après-midi, nous nous dirigeons vers le poste de surveillance de la SERNANP et rencontrons Flabio, un des gardes du parc. Originaire d’un des villages du fleuve, cela fait huit ans qu’il travaille pour la protection du parc de Megantoni sur différents postes de surveillance. Passionné de biologie, il est heureux de faire partager ses connaissances sur le parc. Il nous mène dans la “selva”, la forêt espagnol, pendant une trentaine de minutes, jusqu’à arriver au fleuve Yo Yato, qui est un affluent se jetant dans le fleuve Urubamba. Sa particularité est d’avoir des eaux transparentes turquoises, qui contrastent avec la couleur de fleuve du Pongo de Mainique, à la couleur marron.
Le fleuve Yo Yato forme des “pozas”, des bassins naturels qui permettent de se baigner. Du au faible courant, l’eau est plus chaude et c’est un grand moment de détente qui s’offre à nous. Nous pouvons apercevoir des papillons près des roches et du sable et des petits poissons dans l’eau. La plupart des tours organisés vers le Pongo de Mainique se terminent par l’activité baignade au Yo yato, il est donc préférable d’y aller le matin.
Fleuve aux eaux turquoises du Yo Yato
Nous revenons au campement par le même chemin. En ouvrant les yeux durant les diverses randonnées, il est possible d’observer, une diversité d’arbres et de plantes, dans un écosystème bien régi, en partant de la litière de la forêt avec des feuilles morts, des mousses, et petits arbustes jusqu’au végétaux de taille moyenne, recevant suffisant d’eau et lumière pour leur développement, puis les grands arbres qui forment la canopée. Dans la zone, il est également possible d’observer des mammifères terrestres, des oiseaux, des reptiles et amphibiens, de nombreux insectes et des poissons dans le fleuve.
Nos hôtes nous proposent une sortie pêche, nous emboitons le pas avec grand plaisir afin de profiter d’une balade bateau sur le fleuve et de nous initier à la pêche au filet traditionnelle. Nous nous arrêtons à deux zones pour tenter d’attraper des poissons, ressemblant à des sardines d’eau douce. En aval du Pongo de Mainique, se trouve un énorme bloc de roche avec une forme de tête de singe.
Il suffit de lever la tête et laisser libre à son imagination afin de l’apercevoir !
La pêche n’est pas très fructueuse, notamment du fait du faible niveau de l’eau mais nous avons passé un moment de partage très agréable. De retour au campement pour le dîner, nous allumons un feu et discutons avec Carlos, ses amis et sa famille – une belle soirée d’été.
Sortie pêche sur une “lancha”, bateau du fleuve
Le lendemain, après un petit déjeuner, nous partons pour une randonnée vers deux miradors afin d’avoir une vue sur la vallée et le Pongo de Mainique, c’est un chemin entretenu par les locaux qui l’empreinte, mais avec quelques obstacle naturels, comme des troncs d’arbres tombés à cause des intempérie, des courants d’eau à traverser, des branches et passage à étroits à éviter. Pour le plaisir des yeux et des oreilles, nous avons la chance de tomber sur quelques singes, dont une guenon avec son petit, avec des teintes marrons et noirs qui se déplacent de branche en branche. Pendant les quatre heures de marche jusqu’au point le plus haut, vous évoluez dans une forêt primaire, mais le spectacle à votre arrivée au premier et au second mirador valent vraiment la peine ! En arrivant en haut, vous pouvez apercevoir l’étendu de la vallée ainsi que le fleuve qui serpente jusqu’à l’horizon, et la rupture nette entre les montagnes verdoyantes du côté du Alto Urubamba et celle du Bajo Urubamba qui marque le début de l’Amazonie. Nous redescendons pendant encore 2h jusqu’à rejoindre une des berges du fleuve. De là, nous prenons le temps d’une petite baignade en attendant qu’un bateau passe pour nous ramener au campement. Il est difficile de prévoir l’heure d’arrivée après cette randonnée et combien de temps il sera nécessaire d’attendre pour qu’un bateau passe dans le sens souhaité, alors la magie du hasard et un peu de patience sont nécessaires, mais la solidarité des habitants du fleuve fonctionne toujours ! Nous rentrons au campement en début d’après-midi et mangeons le repas du midi. Le reste de la journée, nous profitons de la propriété et nous nous reposons tranquillement. En soirée, nous discutons avec nos hôtes afin de programmer la journée du lendemain, nous souhaitons découvrir une communauté native. Notre guide Carlos s’occupe de faire les demandes auprès de ces contacts, afin d’avoir l’autorisation de rendre visite à la communauté. Au bout de quelque temps de négociation, tout semble réglé pour le lendemain.
Mirador avec vu sur le Pongo de Mainique et l’Amazonie
Le troisième jour, comme prévu la veille, nous partons tôt pour la communauté de Matoriato. Le capitaine Alejo Quispe vient nous chercher avec son bateau et nous repassons devant le Pongo de Mainique, quel bonheur de voir à nouveau les cascades de part et d’autre du fleuve, avec les couleurs du lever de soleil. En arrivant au poste de surveillance de la SERNANP, nous nous apercevons que finalement nous n’avons pas eu l’autorisation du chef de la communauté pour nous rendre dans leur communauté. Que faire? Il y a toujours un plan B dans la selva ! Par le manque d’infrastructure, un peu d’anticipation et d’organisation sont nécessaires mais il est important de laisser place à l’imprévu également ! C’est le charme de l’Amazonie et les locaux vivent à ce rythme. Le capitaine du bateau dit connaître une communauté qui serait prête à nous accueillir sans demander au préalable. Alors, c’est parti ! Nous remontons alors le fleuve dans l’autre direction pour nous rendre dans la communauté de Poyentimari. Pour remettre les événements dans leur contexte, il faut savoir que toute la zone du parc du Megantoni n’est pas couverte par le réseau, sauf à des points où le téléphone et internet satellite est installé. Ce qui vous offre une déconnexion totale mais qui rend aussi la communication un peu plus complexe, mais à priori il y a toujours une solution, il suffit d’être patient.
Naviguer sur le fleuve, avec le lever du soleil
Après une bonne heure de navigation et une demi-heure de marche, nous arrivons à l’entrée de la communauté. Celle-ci se présente avec une salle communale, un grand espace vert sûrement pour jouer au football ou pour se réunir le week-end, derrière se trouvent les maisons individuelles de chaque famille, une épicerie. Accueillie par une femme, elle demande d’attendre quelques minutes et revient avec son habit traditionnel, une longue robe et des accessoires avec des perles et des plumes. On comprend alors qu’elle se revêtit ainsi spécialement pour notre visite et vous montrer la culture machiguenga. Elle nous mène à une maison très différente des autres, avec un toit en palmier d’architecture typique remplis de métiers à tisser artisanal, des sacs et tissus sont en cours de confection. Elle nous explique alors qu’elle fait partie d’une association de 15 femmes qui viennent travailler le samedi pour avancer les différentes pièces d’artisanat afin de les revendre lors de la visite des touristes et lors d’une commande spéciale. Les motifs de tissage, inspirés de la forêt (animaux, végétaux, symboles) sont transmis de génération en génération. Mais nous ressentons bien que cette volonté de préserver la culture et les traditions n’est pas partagée par tous les habitants et que cette visite a des tournures de représentations folkloriques. Nous sommes invités après à visiter l’école située un peu plus haut. Trois salles de classes regroupent les enfants par âge et niveau. C’est l’heure de récréation, les garçons jouent au football et les filles parlent dans un autre coin… pas si différent, finalement !
Nous remarquons également que de nombreuses constructions de maisons sont effectuées avec le soutien du gouvernement. En effet, un plan de développement global est mis en place pour le projet d’extraction de gaz, donc la source se trouve à Kamisa, environ encore à 3 heures de navigation. A côté du projet industriel d’acheminement du gaz, des soutiens financiers sont déployés dans les différentes communautés. Nous repartons en fin de matinée pour aller déjeuner au village de Saniriato.
Cette rencontre nous a laissé beaucoup de questions sur la manière qu’il était préférable d’appréhender le tourisme communautaire avec les communautés natives du fleuve. Une explication plus complète du fonctionnement et de l’organisation de la communauté aurait été plus juste afin de comprendre le mode de vie de ces personnes vivant sur le fleuve, plutôt qu’une seule présentation de l’artisanat et des traditions. Au final, l’activité touristique est nouvelle pour cette communauté, il est donc normal qu’elle ne soit pas encore adaptée à tous publics. Il nous aurait fallu également plus de temps afin de comprendre les différents aspects et rencontrer plus de profils différents.
Après le déjeuner, nous reprenons le bateau jusqu’au poste de surveillance de la SERNANP, en repassant par le Pongo de Mainique, et promis on ne s’en lasse pas ! C’est l’anniversaire de la création du parc de Megantoni, cela fait 18 ans que la zone est protégée et que des projets sont mis en place : l’occasion pour les nouveaux gardes d’échanger avec les plus anciens et de partager quelques jours ensemble. Des formations et randonnées sont organisées afin que tous les gardes connaissent les alentours et s’informer davantage sur la biodiversité, la faune et la flore.
Nous avons également la chance de pouvoir converser avec eux, notamment sur les projets de développement de promotion du parc à des but scientifique et touristique. Le soir, une randonnée nocturne est organisée afin de se rendre à une “collpa”, c’est-à-dire un lieu où se réunissent les animaux pour boire ou manger. L’excursion dure environ quatre heures, dont trois heures de marche et une heure sur place pour prendre le temps d’observer et d’écouter les bruits de la forêt pendant la nuit. Sur le chemin de l’aller et du retour, nous passons par toutes sortes de ruisseaux, de roches à escalades et de chemins étroits. Il faut prévoir une bonne lampe frontale et des bottes !
Sur la route, nous observons bon nombre d’araignées, de grenouilles, crabes, insectes et même un petit alligator, caché sous une roche. Cette expérience, accompagnée de guides passionnés, fut l’un de nos meilleurs souvenirs.
Le lendemain, c’est l’heure du retour, nous prenons un bateau à la volée au bord du fleuve, en direction de Ivochote. L’occasion de revoir notre merveilleuse Pongo de Mainique et de remercier Carlos, qui nous a accompagnés durant ces jours. Un long trajet de bateau, puis en véhicule commence. Au total de notre séjour, nous sommes passés six fois devant le Pongo de Mainique et ses cascades, la chance et le bonheur d’être restés aussi longtemps dans la zone !
Cascades sur le Pongo Mainique
Ce lieu reste très préservé et avec peu d’infrastructures, ce qui le rend à la fois difficile d’accès et à conseiller aux amateurs d’aventure puisque le confort n’est pas toujours au rendez-vous. Le Pongo de Mainique est accessible de mai à octobre pendant la saison sèche. En effet le reste de l’année, le fleuve est trop haut et avec un courant trop important pour proposer des tours. Sur place, vous pouvez opter pour dormir sous tente dans le campement de Carlos, proche du fleuve turquoise du Yo ato. De nombreuses marches, découverte des communautés natives, baignades et activité rafting sauront vous faire profiter pleinement de cet endroit hors du temps. Nous avons pris le temps et c’était bien !
N’hésitez pas à consulter notre agence, Pasion Andina, afin d’en savoir plus sur les options sur place et de vivre vous aussi cette incroyable aventure.
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