– « We just come-back from the sexy woman, it was impressive ! Unforgetable, we loved it ! »
– The sexy woman ?!!
Quelle est donc cette jolie demoiselle cusquenienne dont me parlent ces touristes américains au retour à l’hôtel ? Tombés, comme beaucoup, sous le charme des péruviennes ? Il faut dire, c’est vrai, qu’elles sont magnifiques, vraiment sympathiques et … Heu … bref, ne nous égarons pas.
– Yeah the sexy woman, the ruins on top of Cusco, the inca sanctuary !
– Haaaaa, le Sacsayhuaman !!
– Yeah, this one. We don’t know how to pronounce it so … sexy woman !!
Bien trouvé et plutôt original pour évoquer ce site spectaculaire, perché sur les hauteurs de Cusco à 3km du centre-ville.
Imprononçable certes mais néanmoins connu de tous ! Impossible en effet de passer quelques jours au sein de la capitale du Tahuantinsuyo, (nom signifiant « l’empire des quatre régions » en quechua) sans visiter cette œuvre majeure du patrimoine architectural local.
Etendu sur plus de 3,000 hectares, le site aurait été initié par Pachacutec, (souverain que nous avions notamment évoqué dans notre article sur Huchuy Qosqo) continué par Tupac Yupanqui et achevé par Huayna Capac.
3 incas, 3 règnes, 70 ans de travaux et 30 000 hommes mobilisés. Des chiffres qui font tourner la tête. Mais ce n’est pas tout …
Caractérisé par sa muraille en zigzag se développant sur 3 étages et comprenant des plateformes de 360m de long communicant les unes avec les autres par différents escaliers sculptés dans la roche, le Sacsayhuaman est aussi connu pour l’immensité des blocs utilisés pour sa construction. Taillées minutieusement pour s’imbriquer à la perfection, certains d’entre eux mesurent jusqu’à 9 m de haut, 5m de large et 4m d’épaisseur et pèsent plus de 130 tonnes !!
Un travail titanesque que les conquistadores espagnols considérèrent à leur arrivée comme une « œuvre du démon ». Difficile en effet au vu de ces dimensions d’imaginer qu’une telle construction puisse être le fruit d’un travail humain …
Qui plus est quand on apprend, après diverses études, que les pierres utilisées venaient des carrières de Muina, Hucoto et Rumicolca, … situées à plus de 20km de Cusco !!
Et pourtant, ce sont bien les mains et le travail de ces milliers d’ouvriers incas qui façonnèrent à travers le temps cet incroyable ouvrage. Amenés via des rouleaux de bois et des plans inclinés, chacun de ces blocs était modelé au moyen de marteaux en bronze puis polis avec du sable, beaucoup d’eau, de l’argile et des pierres plates. Un procédé mené jusqu’à ce que leur forme et leurs bords extérieurs s’accordent exactement avec les calques ou copies des blocs voisins.
Positionnée telle une vigie sur la colline dominant la ville, le Sacsayhuaman fut d’abord perçu par les espagnols comme une forteresse protégeant Cusco. Un lieu totalement clos, des murailles et d’énormes monolithes ainsi qu’un emplacement stratégique, il est vrai que plusieurs éléments pouvaient porter à croire à une construction militaire.
Néanmoins à l’époque de sa construction l’empire inca ne connaissait aucunes menaces particulières. Pourquoi, dans ce cas, construire un édifice si important et mobiliser tant de forces vives ? Et pourquoi intégrer au sein de cette forteresse des lieux de cultes, des puits, des fontaines, des cimetières, des terrasses, des greniers, … ?
Egalement appelé « casa real del sol » le Sacsayhuaman était en réalité un temple dédié au Soleil. Ainsi, sa situation géographique au milieu d’un environnement à la faune et la flore exceptionnelle ainsi que son invraisemblable ordonnance répondaient plus à un objectif d’harmonie entre paysage et architecture qu’à une logique défensive et militaire.
La preuve en est par exemple avec les « rodaderos », toboggans de granit apparus du fait de l’érosion et de l’activité sismique de ce lieu caractérisé, à la base, non pas par sa fertilité mais par la présence de 3 lacs se jetant les uns dans les autres il y a plus de 80 millions d’années.
Lieu saint, décor de nombreuses cérémonies dédié au Dieu Soleil, le Sacsayhuaman ne représente pas seulement un élément central du patrimoine architectural péruvien. Il constitue également un important héritage historique. Depuis toujours on y célèbre en effet le Warachicuy (rites de passage à l’âge adulte où les garçons de la noblesse cusquenienne s’adonnent à différentes épreuves sportives) mais également LA fête de tout Cusco : L’Inti Raymi, cérémonie en l’honneur du Dieu Soleil marquant le solstice d’hiver dans l’hémisphère Sud.
Plus qu’un site cérémoniel, le Sacsayhuaman fut également le théâtre de l’un des tournants de l’histoire Incas. En 1536, alors que les espagnols tiennent le centre de Cusco, ils se font attaqués de toutes parts par les troupes de Manco Inca, symbole de l’ultime révolte de l’empire contre les conquistadores. Réussissant à tenir la ville, les troupes de Pizarro mènent alors une contre-attaque repoussant leur assaillants jusqu’à la citadelle de Sacsayhuaman. Opposant une forte résistance sur les terres sacrées de leur Dieu Inti, les Incas vont jusqu’à couler le sang du dernier des frères de la lignée Pizarro. Mais au terme de l’une des plus grandes rébellions de leur histoire, ceux-ci finissent par plier face à la puissance espagnole. Une défaite qui marquera la fin d’une épopée et le trépas d’un empire presque centenaire.
Le Sacsayhuaman comptant, trois tours, c’est à l’occasion de ces affrontements que l’une d’entre elle, la torre Muyu Marca, fut marquée à jamais par l’ardeur de Cahuide, guerrier devenu l’idole de tout un peuple pour s’être donné la mort et se jetant du sommet de celle-ci plutôt que d’accepter de tomber dans les mains de ses ennemis.
Rasé à la suite de la révolte inca, le sanctuaire sera démantelé en 1559 et une grande partie des blocs de pierre du site utilisés pour la construction de la cathédrale de la ville.
Suscitant l’intérêt de nombreux archéologues au vu de son importance historique et patrimoniale, Sacsayhuaman continue encore aujourd’hui de nous offrir de nombreuses surprises et fait sans cesse l’objet de nouvelles découvertes.
Que dire par exemple de la Chinkana ? Ensemble de souterrains et de galeries qui reliaient l’ensemble du site au Qoricancha (Temple du Soleil) situé en plein centre-ville de Cusco !
Et comment réagir en apprenant que Sacsayhuaman signifiant « tête rugueuse » en quechua ne représente en réalité qu’une petite partie seulement d’un schéma urbain exceptionnel donnant à Cusco la forme d’un puma. Le temple du Soleil en étant les parties génitales, la place des armes le cœur et le Sacsayhuaman le crane …
Vous me prenez pour un fou n’est-ce pas ? Voyez plutôt par vous-même.
Simple coïncidence ? Et donc pour vous, c’est également un pur hasard de retrouver un lama à Ollantaytambo et un saurien au Machu Picchu. Evidemment …
Parce qu’un simple caillou signifie parfois tellement … Parce que l’apparence d’une jolie demoiselle cache parfois bien d’autres choses …
Qu’il s’agisse de Sacsayhuaman ou de sexy woman, Cusco n’a pas fini de vous surprendre.
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